L’augmentation incessante des déviations organoleptiques (saveurs et arômes) causée par les bouchons en liège, nous a acculés à remettre en cause notre choix d’obturation des vins en 2002. Il est important de préciser qu’avec leurs cépages aromatiques, vinifiés en général sans boisé, les vins d’Alsace, en particulier le Riesling, sont parmi les plus révélateurs de la moindre influence du bouchage.
La diversification de nos fournisseurs de bouchons et l’achat de qualités toujours meilleures n’y faisaient rien. 10 % des vins étaient touchés par des défauts : 4 % par le « goût de bouchon » aisément reconnaissable et le reste des bouteilles par des arômes voilés et des déviances de goût, que ne décèle généralement que le viticulteur qui connaît sa cuvée et la goûte régulièrement. Les amateurs de vins ne s’alarmeront pas autant que le viticulteur, parce que leurs dégustations d’une cuvée donnée sont très ponctuelles. Il ne s’agit bien sûr pas de mettre en cause leurs compétences de dégustation. Ne disposant pas de nombreuses bouteilles de référence d’une cuvée, ils mettent souvent les modifications éventuellement décelées sur le compte du vieillissement du vin. Pourtant ils ignorent qu’ils passent à côté du plaisir réel que le vin qu’ils débouchent aurait pu leur procurer. Cette trahison du liège, par rapport à notre travail de viticulteur en amont, nousne l’acceptons plus. Alors il nous a fallu creuser et déraciner des idées arrangeantes et des clichés concernant le liège, et en particulier qu’il n’est pas si naturel que ça, lorsqu’il obture les bouteilles. Le liège naturel n’est pas utilisé en l’état. Le lavage ne se fait plus au chlore, mais avec des produits et procédés divers selon les bouchonniers. Même les bouchons non colmatés subissent tous un traitement de surface au silicone, à la paraffine ou au mélange des deux. Faites-en l’expérience. Le seul fait de couler sur des traces de paraffine et de silicone laissées par le bouchon dans le goulot de la bouteille, modifie le vin, par rapport à celui extrait de la même bouteille avec une pipette. Ceci est particulièrement sensible pour les vins contenant du sucre résiduel. Le liège n’est pas inerte par rapport au vin. Par exemple des polyphénols du liège peuvent précipiter les protéines du vin et ceci d’autant plus que la température du vin augmente. Devant les fréquences de plus en plus importantes des goûts de bouchon, certains bouchonniers vont soumettre le liège à un traitement spécial pourextraire des molécules (TCA) responsables des goûts de bouchon. Exit donc le «tout naturel ». |
Les bouchonniers, qui ont perdu pour le liège 25 % de la part de l’obturation des vins, proposent depuis plusieurs années des bouchages synthétiques, qui imitent la forme du bouchon en liège. Nous avons expérimenté qu’ils sont poreux dans le temps et qu’ils accélèrent le vieillissement du vin, quand ils ne donnent pas aussi ponctuellement des mauvais goûts. Leur structure chimique, qui est un secret de fabrication, interfère avec les composants du vin, d’une manière non contrôlable. Nous avons fait un test comparatif sur nos cuvées de 2002 entre bouchage synthétique (normacorc) et capsule inox. A l’aveugle, tous les dégustateurs sont unanimes pour préférer les vins issus des bouteilles avec la capsule inox. Notre choix s’est porté sur une obturation inerte par rapport au vin, ce qui est logique pour un vin naturel issu de culture biodynamique. La contrainte supplémentaire était une étanchéité à l’air dans la durée, pour que le vin mature progressivement avec son propre oxygène, et sans la perturbation d’un apport incontrôlé d’air extérieur. Ceci est d’autant plus important que nos vins voyagent vers d’autres continents et qu’ils sont promis souvent à de longues gardes. La vinification avec peu ou pas de soufre demande aussi des précautions supplémentaires dans la maîtrise de l’étanchéité des bouteilles. A partir de ce constat, la capsule à vis, qui ne reste pas aussi hermétique à l’air dans le temps, était exclue. D’autres arguments tels que la fragilité et le manque d’esthétique du pas de vis de la bouteille, nous ont confortés dans l’abandon de cette solution. Le bouchon en verre pouvait être une alternative, si ce n’est que la fragilité et le coût important du procédé pour l’ensemble d’une gamme de vins, nous ont découragés. Restait le procédé utilisé par les Champenois depuis des décennies. Tout simplement la capsule, mais en inox et avec une languette de polyéthylène non collée, pour l’étanchéité. La bouteille habillée est très esthétique. Il est possible de la décapsuler à l’abri des regards pour garder la discrétion sur cet obturateur original. L’esthétique du col de la bouteille ouverte sur table est identique à celle d’une bouteille de Champagne. Pour des raisons écologiques, il est important de séparer l’inox et le polyéthylène non collé pour recycler séparément les deux matériaux. Après 5 millésimes, nous sommes pleinement satisfaits de notre choix. D’autres collègues nous suivent d’ailleurs, lorsque sont aplanies les contraintes liées à l’approvisionnement des bouteilles à couronnes. |