Les vins vinifiés sans soufre : des vins de complicité

Pierre Overnoy, viticulteur à Pupillin (Jura), et Michel Legris, caviste à Strasbourg, nous ont sensibilisés aux vins vinifiés sans soufre. Notre première cuvée sans aucun ajout date de 1999. Depuis, chaque année, nous élevons ainsi un ou plusieurs vins (quatre en 2002).

L’excès de soufre dans le vin est fâcheux, mais il est inutile de diaboliser le soufre. Ce compagnon du vin depuis des siècles a toujours sauvé l’essentiel de la production viticole pour le plus grand plaisir des amateurs. L’intérêt de la vinification sans soufre réside dans l’élargissementdes horizons du vigneron et de l’oenophile. Cette recherche invite les uns et les autres au dépassement des références bien codifiées.

Pour le vigneron, la voie est étroite. Des caractères oxydatifs marqués, dès avant la mise en bouteilles, pourraient éclipser toute singularité liée aux cépages, aux sols et aux millésimes.

Les vins sans soufre, qui achèvent complètement leur fermentation après trois ou quatre semaines, peuvent être éventuellement soutirés sans aération. D’autres vins sans soufre, qui cessent leur fermentation en décembre en gardant du sucre résiduel, ne sont pas soutirés et restent sur toutes leurs lies pendant l’hiver. Au printemps suivant, la fermentation reprend spontanément et consomme tout ou partie des sucres. Elevés à l’abri de l’air, sur lies fines ou sur lies entières, ces vins sont filtrés sur plaques en cellulose trois ou quatre heures avant la mise en bouteilles.

En l’absence de soutirage à l’air, ces cuvées perlent légèrement. Elles conservent toujours du gaz carbonique (CO2) issu des fermentations alcoolique et malo-lactique. Il est recommandé de ne pas transporter et stocker ces vins à plus de 15°C. En bouteilles pleines et fermées, ils se gardent plusieurs années et maintenant d’autant mieux grâce à la capsule en inox. 

L’étiquette de ces vins porte la mention « Vin Biologique » : c’est du jus de raisin fermenté sans aucun ajout. 

Pour l’oenophile, la découverte de nouveaux horizons sensoriels sera d’autant plus grande qu’il saura délaisser le mental pour se plonger dans le visuel, l’olfactif et le gustatif. Dans un premier temps, il faut faire abstraction des repères habituels, pour être entièrement présent à la rencontre sensorielle et émotionnelle.

Cesvins sans aucune adjonction sont plus vivants, plus mobiles et plus fragiles. Ils appellent à la « complicité ». Dans le verre, les registres aromatiques se succèdent de minute en minute. Chaque mouvement du verre dégage un peu de gaz carbonique, modifie les arômes et le palais avec l’estompement du léger perlant présent à l’ouverture. L’idéal est de se prendre le temps d’apprécier ces vins au présent, sans laisser une goutte dans la bouteille pour le lendemain.

Nous vous vous invitons à de passionnantes explorations olfactives et gustatives !
magazine.jpg
Pour élargir la réflexion, nous vous conseillons la lecture du magazine Le Rouge & Le Blanc (automne 2005), consacré aux vins vinifiés sans soufre.