La culture de la vigne et l’élevage du vin s’inscrivent dans la sphère économique mais aussi culturelle.
Le culturel n’existe pas sans un idéal et une authenticité, qui écartent les additifs de « confort » et les technologies superflues,
et replacent l’économie à son rang d’outil. Lorsque l’économie règne seule, elle sacrifie l’âme du vin, de concession en concession, de simplification en rationalisation. La reconquête de la liberté psychologique, par un nouvel apprentissage des lois de la nature, permet de re-devenir autonome et indépendant des laboratoires. En s’affranchissant des standards impulsés également par la grande distribution (2/3 des ventes de vin d’A.O.C.) s’ouvre un espace de liberté nécessaire à la quête esthétique des vignerons pour leurs vins.
Voici les principales étapes du raisin à la bouteille.
Les vendanges
Selon les années, les vendanges commencent entre fin août et mi-septembre. Millésime après millésime, nos vignes affichent une maturité supérieure à la moyenne grâce à un rendement maîtrisé. La récolte s’étale sur un mois. Les raisins destinés à l’élaboration du Crémant sont récoltés en premier. Puis c’est le tour des raisins pour les vins classiques, les cuvées de Lieux-dits et finalement les Grands Crus. Nos vendangeurs habitent dans la proche région. Cela nous permet de récolter à la carte et exclusivement par temps sec. La machine à vendanger gagne du terrain en Alsace, elle permet de diviser le coût de la récolte par deux. Le vécu social pendant les vendanges et la recherche qualitative grâce aux tris des raisins excluent pour nous l’utilisation d’une machine à vendanger. De plus elle est le « Cheval de Troie » de la pharmacopée oenologique dans la vinification.
• Macération des grapppes et pressurage
Depuis 2014 nous avons commencé à macérer les cépages blancs en grappes entières avant le pressurage, pendant moins d'une semaine. Les Pinot Noir restent en macération pendant 10 jours ou plus. Cette méthode, qui nécessite un tri sévère de la vendange, facilite une fermentation active, avec toutes les levures amenées du Terroir de récolte, et aboutit à des jus plus complets. Aucun intrant (sulfite, ou autre) n'est ajouté.
En cas de pressurage direct, nous pressons les grappes entières sans foulage préalable. Les pressoirs pneumatiques limitent considérablement la trituration, la production de bourbes et les faux goûts. Chaque pressée dure au moins 5 heures.
• Débourbage
Après le pressurage direct, nous laissons décanter le jus de raisin statiquement pendant une nuit, sans adjonction de soufre, d’enzymes ou de bentonite.
Le matin suivant nous séparons les 98 % de jus clair des 2% de jus trouble (bourbes). Le jus clair est pompé dans le foudre où il fermentera.
• Enrichissement
L’éthique du vin demanderait une baisse contrôlée des rendements pour une concentration naturelle du vin. Le marché et l’économie favorisent au contraire l’enrichissement par adjonction de sucre (chaptalisation) et plus récemment l’enrichissement par les méthodes soustractives. L’osmose inverse et l’évaporation sous vide (le jus bout à 19° C à une pression de -1 bar) éliminent une partie de l’eau du moût de raisin en recourant à des technologies lourdes.
En 1980 la majorité de nos cuvées portait déjà les initiales N-C (non chaptalisé) sur l’étiquette.
A partir de 1988 plus un seul vin n’est chaptalisé.
• Levures et fermentations
Des siècles durant, les jus fermentaient avec leurs propres levures et devenaient joyaux ou médiocres breuvages. Pourtant la médiocrité n’incombait pas aux levures, mais aux raisins immatures, au manque d’hygiène et de suivi des jeunes vins.
Deux décennies de déstabilisation des vinificateurs ont conduit à l’usage quasi-généralisé des levures sélectionnées. Non contents des sélections antimousse - à haute expression aromatique - à hauts rendements alcooliques, etc. …des levures sont génétiquement modifiées. La vigne croît entre ciel et terre. Le sol, le sous-sol mais aussi la pruine et ses levures sur les baies de raisin constituent le Terroir. Pour nous, la viticulture biodynamique et la recherche d’expression de terroir sont indissociables des levures indigènes.
Nous avons initié les macérations de cépages blancs avant le pressurage pour valoriser au maximum la population des levures indigènes apportées par la pruine des grappes. Ces vins blancs de macération terminent ainsi facilement leurs sucres, tout comme les Pinot Noir.
• Arrêts de fermentation
Certaines de nos cuvées issues de pressurage direct n’ont pas achevé leur fermentation en décembre. Nous ne chauffons pas pour autant et n’ajoutons pas de levures « finisseuses », mais ouillons simplement les foudres en question, et n'ajoutons pas de sulfites.
Au printemps ces fermentations reprennent. L’autolyse naturelle des levures du vin non soutiré restitue les conditions nécessaires à la fermentation. Ainsi la Nature offre six mois plus tard ce que la pharmacopée oenologique voulait vite forcer.
• Le soutirage
Pendant la phase tumultueuse de la fermentation, les foudres ne sont pas pleins, pour éviter leur débordement. De nombreux vins terminent leur fermentation alcoolique, et malo-lactique en deux à quatre semaines. La protection du gaz carbonique produit par la fermentation s’estompe alors et une oxydation pourrait fatiguer le vin, sachant qu'il n'y a eu aucun ajout de sulfite. C’est le moment de soutirer : transvaser et aérer le jeune vin encore trouble dans un autre foudre de taille plus réduite qui sera plein jusqu’à la bonde. Le vin se clarifie progressivement par sédimentation et reposera ainsi jusqu’à la mise en bouteille.
• Elevage
L'élevage sur lies fines se déroule pendant 8 à 11 mois dans des foudres. D’une contenance moyenne de 3000 litres, nos foudres de chêne ont pour la plupart un siècle d’âge, ils sont une peau végétale pour le vin. Ces foudres permettent la respiration (passage d’air) et la transpiration (évacuation d’alcools supérieurs et d’esters) des cuvées, sans modifier leur goût par des apports de boisé, que nous ne recherchons pas. Au cours de cette lente gestation, sans l'entrave de sulfites ajoutés, le vin reste libre dans son chemin naturel de minéralisation. Il se goûtera au final comme une "pure eau végétale". Mais cette étape demande une surveillance constante, ponctuée d'aérations des cuvées lorsqu'un déséquilibre touche leur vie microbienne.
Mise en bouteilles
La mise en bouteilles est l'étape ultime qui peut ruiner tout le respect apporté au jeune vin pendant son élevage.Nous n'avons pas recours à un prestataire, qui nous contraindrait à concentrer ce travail sur 2 à 3 jours et à recourir à une filtration stérile pour limiter les risques. Au contraire nous répartissons les embouteillages sur plusieurs semaines à partir de juin, en fonction de l'évolution des vins et des dates favorables (calendrier des planètes et des marées). Nous généralisons les mises en bouteilles sans filtration sur plaque de cellulose. Jusqu'à cette étape finale, les vins n'ont eu aucun ajout de sulfite. Notre idéal est de terminer le cycle avec une mise en bouteilles sans ajout de sulfite, pour obtenir des "Purs Vins". Ceux-ci représentent 90 % en volume de nos élevages en 2023.
L'éclosion de vins vivants et vibrants comme des oeuvres d'art, chacune unique et non reproductible, est l'aboutissement de ce long travail artisanal, depuis le sol viticole jusqu'à la cave. La patience accordée à l'élevage de ces vins sans artifice nous est rendue par leur longévité en bouteilles. Leur dégustation demande une disponibilité : "Prendre son Temps et donner du Temps au Vin". Une cuvée, qui a évolué dans le volume restreint de la bouteille, est libérée dans l'espace d'un verre et en contact avec l'air...Laissons éclore l'alchimie de ses arômes et de ses saveurs, comme un papillon sort d'une chrysalide...